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Interview pour l'émission "M" de Margriet van der Linden [Traduction en français]

 

Margriet van der Linden : Dans les années 90, le groupe belge K’s Choice devenait célèbre avec leur son unique. Ils ont joué sur les plus grandes scènes à travers le monde. Leur leader à ce moment était Sarah Bettens. Oui, ETAIT, parce qu’il y a 3 semaines a été annoncé dans le journal belge De Standaard, que Sarah Bettens allait devenir Sam Bettens et qu’ELLE est en fait IL. Et ce soir, Sam raconte son histoire à la télé pour la première fois. Un chaleureux accueil pour Sam.

Sam : Merci.

 

Il y a 3 semaines, l’interview dans laquelle tu partages la grande nouvelle au monde était publié dans De Standaard. Comment les choses se sont-elles passées depuis ?

C’était plutôt excitant. J’étais bien et en sécurité aux Etats-Unis quand c’est arrivé… à distance donc. Mais, je n’ai reçu que des réponses positives de partout, des médias, des amis, de personnes dont je n’avais plus entendu parler depuis des années qui m’ont envoyé des messages. J’avais décidé de rester éloigné des réseaux sociaux. Je me suis dit "Je vais quitter tout ça", mais en fait je n’ai pas résisté car tout était tellement gentil et positif !

 

Y a t-il eu un moment où tu t’es dit “oh les journaux sont dans les boîtes aux lettres maintenant, c’est en ligne, ça y’est c’est le moment!” ?

Oui, il y a eu un moment où j’y ai pensé. C’était le soir en Californie mais c’était presque le matin en Belgique. J’ai pensé "Quand je me réveillerai demain, tout sera sorti."

 

Et ensuite, tout aura peut-être changé ?

Oui et non. Parce que parfois j’ai l’impression que c’est la chose la plus importante de ma vie. Mais il y a aussi des moments où tout est très clair pour moi et je me dis "ce n’est pas grand chose en fait et les choses ne vont pas beaucoup changer."

 

Quel a été LE moment où Sarah s’est dit "Ça sera Sam maintenant" ?

La première fois que je me le suis vraiment dit c’était il y a environ un an. J’ai vu une photo sur Facebook, d’amis à moi qui ont une petite fille qui dit depuis qu’il a deux ans, depuis qu’il sait parler "Je suis un garçon, je suis un garçon, je suis un garçon"! Et ils l’ont laissé entrer en maternelle en tant que garçon, avec un belle coupe de cheveux et un joli nœud papillon. Quand j’ai vu cette photo sur Facebook j’étais scotché et j’ai pensé "Je suis jaloux d’un petit enfant de 6 ans." Et alors j’ai réalisé qu’il y avait quelque chose que je devais explorer.

 

C’est un petit garçon. Tu as 45 ans ? 46 ?

46.

 

Ça fait une grande différence.

C'est une différence immense. Et je me suis aussi comparé à d'autres gens qui passent par là. Je me disais que j'avais beaucoup à perdre. Je suis heureux, j'ETAIS heureux. J'ai une femme et des enfants, une belle famille, un travail agréable, de bons amis, j'aime vivre là où je vis... et je vais prendre un gros risque. C'était étrange, j'avais toutes ces choses positives dans ma vie et j'allais tout risquer pour être peut-être juste un peu plus heureux. Ou pour me sentir un peu mieux dans ma peau. Et le doute était tellement grand, parce que ma vie était si belle. Mais il y avait toujours quelque chose qui n'allait pas parfaitement bien. Et il y a un an, quand je me suis questionné, quand les choses ont été exposées au grand jour, soudainement tout est devenu clair, tout ce que j'avais étouffé pendant toutes ces années. Et ensuite tout a démarré.

 

Donc il y a des choses que tu as réprimées toutes ces années ?

Oui, je pense. Peut-être grâce à la thérapie, ou aux autres personnes qui y ont réfléchi pour moi, mais il y a beaucoup de choses qui ont joué un rôle. J'ai grandi avec deux frères. Beaucoup de filles qui ont grandi avec des frères sont un peu plus garçon manqué et préfèrent jouer au foot qu'à autre chose. Et il y a beaucoup de choses, quand je regarde en arrière aujourd'hui, qui me font penser que j'aurais pu le savoir avant. Mais ce sont des moments que tu laisses sur le côté. Et puis la puberté est arrivée, et contrairement à ce que j'espérais mes seins se sont développés, et j'ai pensé "mince, je le suis quand même..."


 

Mais ça semble être un moment par lequel même moi je suis passée, où tu te dis "comment ces choses sont arrivées et que dois-je faire avec ça?" Non ? Je pense que beaucoup de jeunes filles pensent ça, parce que c'est quelque chose de nouveau et c'est dérangeant. Et qui est content de mettre un soutien-gorge couleur chair ? Ce genre de choses...

Oui, bien sûr, et plus tard quand j'ai réalisé à 28 ans que je tombais amoureux de femmes je me suis dit Mes problèmes se sont envolés, c'est clair maintenant, je sais qui je suis." Mais quelques chose manquait encore au fil des ans.

 

L'as-tu immédiatement partagé avec ta famille ?

Oui, le jour même je l'ai dit à ma femme. Je me posais des questions et je me suis dirigé vers elle et je lui ai dit : "Je dois appeler quelqu'un aujourd'hui." J'ai un ami transgenre à St Louis. "Je dois l'appeler aujourd'hui, je dois lui parler tout de suite et lui dire ce que j'ai en tête." Depuis le premier jour j'ai parlé à ma femme et nous avons tous les deux rapidement parlé aussi à nos amis et notre famille de mes doutes. Je voulais que tout le monde soit impliqué dans le processus pour le jour où je prendrais éventuellement une décision, afin que ce ne soit pas une surprise complète.


 

C'est à propos de quoi alors ? A ce moment le couvercle est à moitié ouvert.

Des choses qui me dérangeaient encore. Je ne pouvais plus supporter un soutien-gorge. Je ne pouvais plus en porter. Ce n'était pas moi. Je portais des soutiens-gorge normaux, puis des soutiens-gorge de sport et finalement des binders qui aplatissent tout. Quand je passais à côté d'un miroir, je ne supportais plus l'image de mes seins (même si je n'en avais pas beaucoup). J'ai même commencé à porter des binders la nuit parce que quand j’allais aux toilettes pendant la nuit et que je passais devant le miroir je ne voulais pas voir mes seins. Il y a des choses qui m'ont fait me dire " hmmm ce n'est plus juste le fait d'être lesbienne. Peut-être qu'il y a plus que ça."

 

Le fait que tu ne pouvais plus supporter ton corps ?

Oui, c'était vraiment physique. Je n'ai pas l'urgence de parler des autres choses ou d'agir de façon plus masculine. Je pense que j'étais déjà très masculine pour beaucoup de gens. Mais physiquement, je veux être capable de me regarder dans le miroir et voir un homme. Et les traits féminins que j'ai toujours me dérangent. 

 

C'était aussi très difficile pour toi, au sein de ta famille, parce que ta femme en finissait avec une phase difficile de sa vie. Un cancer du sein et ses conséquences. Et en même temps, Sarah devient Sam, et passe par une phase de transition dans laquelle les seins ont une part importante.

C'était aussi une grande barrière pour moi. Ça devenait vraiment égoïste de parler de moi tout à coup. Ma femme a appris qu'elle avait un cancer du sein il y a plus d'un an. Elle a été opérée l'été dernier. C'était très lourd. Elle a eu une double mastectomie. Et tout à coup j'ai réalisé que j'aurais souhaité que mes seins disparaissent. Et c'était une pensée terrible lors d'un moment où votre femme passe par le pire été de sa vie. Pour nous tous. A ce moment là, tu mets tout de côté. Ma femme avait un cancer et rien d'autre ne comptait. La seule chose qui comptait était qu'elle guérisse et on espérait que tout irait bien. 

Il y a eu un moment important une semaine où nous étions en vacances, nous étions sur la plage et ma femme a eu une infection quelques temps après. Alors elle a eu une perfusion et j'ai dû lui injecter des antibiotiques pendant un mois. Elle ne se sentait pas très bien. C'était un mois maussade. Elle allait bien, mais elle n'était pas en grande forme. Mais c'était la première semaine on nous pouvions être a nouveau nous-mêmes, en tant que famille, et qu'elle se sentait mieux. La perfusion a pu être retirée. Elle n'avait plus besoin d'antibiotiques, le cancer était parti. Nous pouvions reprendre nos vies. Je pense que ce n'est pas par hasard que c'est à ce moment là que j'ai pensé "Bien, je peux parler et penser à autre chose qu'au cancer." Je pense que c'est comme ça que tout a commencé.

 

Comment as-tu géré ça alors? Tu peux prendre la décision, en parler, mais après ?

J'ai immédiatement su que j'aurais besoin d'aide. Je n'avais jamais fait de thérapie. Mais là, j'avais besoin de parler à quelqu'un, je ne pouvais pas trouver les réponses tout seul. J'ai continué à parler à ma femme, à mes amis, j'ai fait ma thérapie, j'ai été pris dans un vortex de vidéos Youtube , j'ai cherché, j'ai appris beaucoup de choses. Et j'en suis finalement venu à la conclusion "Je suis transgenre". Et je suis arrivé à l'étape "Vais-je faire quelque chose et tout risquer ? Ou suis-je capable de continuer comme ça et ça ira très bien ?" C'était une grande décision. La seule façon de prendre cette décision était d'en parler à tout le monde et un peu à la fois à faire tomber les barrières. La barrière du groupe, la barrière de ma famille qui me disait "c'est bon, tu dois être qui tu es." Et pas à pas, toutes les barrières sont tombées.

 

Et qu'as-tu fais alors ?

Je suis allé chez le docteur pour parler et j'ai commencé les hormones, la testostérone. J'ai commencé il y a environ un mois et demi. J'ai commencé avec une très petite dose, parce que j'espère pouvoir toujours contrôler ma voix durant la transition et pouvoir continuer à chanter.

 

En parlant de barrières... Cela en est aussi une.

C'est une gigantesque barrière.

 

Comme je l'ai déjà dit, le son unique de K's Choice, cette voix unique, c'est TOI. C'est une grosse pression.

Oui. J'ai vu quelque chose de beau à propos d'un autre chanteur transgenre qui disait "Ma voix est ma plus grande barrière. Mais si je ne fais pas ma transition, je vais commencer à détester ma voix. Parce que c'est la dernière chose entre moi et la possibilité de devenir qui je suis." Alors j'ai su, ça ne peut pas m'arriver, ça ne peut pas être mon histoire. Dans 30 ou 40 ans, je ne veux pas être sur le point de mourir et penser "Je suis transgenre, mais je n'ai jamais pris le risque de faire quelque chose de ça parce que j'avais trop peur de perdre ma voix." J'ai réalisé que ce n'était pas moi. Ça n'aurait pas fonctionné.

 

Il y a des gens, et toi aussi, qui pensent "je ne veux pas perdre ça. Je ne veux pas arrêter". As-tu des projets? 

Nous avons des projets, mais il faut attendre. Nous ne savons pas ce qu'il va se passer pour ma voix. La plupart des personnes qui sont passées par là sont positives et me disent "Ta voix va changer, mais tu es toujours un chanteur, tu sais comment chanter, tu as les techniques de chant. Tu peux faire des choses que les autres ne peuvent pas faire.Ton écoute reste la même." Le son sera différent et j'espère que ce sera beau. Que les gens voudront l'entendre. Mais j'ai toujours envie de faire de la musique, peut-être même avec encore plus d'énergie! 

 

Est-ce que l'idée est d'utiliser ça sur un nouvel album ?

Je travaille sur un nouveau projet et nous avons déjà tout enregistré. En fait, c'était aussi une barrière de devoir dire aux gars "Nous avons enregistré toutes les voix et l'album est terminé. Mais je pense à quelque chose..." Mais immédiatement, leur réaction a été " Ne t'inquiète pas, ça ira. En premier, tu dois être celui que tu es. Et tu peux faire plein de choses avec ça en live sur scène. On peut utiliser un mélange de ton ancienne voix et de ta nouvelle voix, on peut l'utiliser pour faire les chœurs. Ça n'a jamais été fait avant, on va s'amuser avec ça, ça ira!" Ça m'a remonté à bloc, c'était le dernier obstacle. Si ça ne posait pas de problème aux gars alors peut être que c'était possible. Je pouvais supprimer la dernière barrière. Et maintenant nous sommes optimistes.

 

Depuis la transition, tu as supprimé la plupart , voire TOUTES les barrières. Comment te sens-tu actuellement ?

Je me sens très bien. Je suis impatient, parce que rien n'a changé pour le moment avec la testostérone. Mais j'ai le sentiment que j'avais un filtre, je devais agir comme une femme et être une femme. Et maintenant que j'ai fait tomber le filtre, je me sens libre.

 

Je te souhaite bonne chance.

Merci.

 

Traduction : Hilde (néerlandais/anglais)  et Ludivine (anglais/français)

 

 

 

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